La lampe de Mme C.
La maison est parsemée d’une multitude d’objets qui pour la plupart ont une histoire.
Du temps où nous faisions foires aux antiquaires et salons un personnage haut en couleurs promenait dans les
allées sa bonne ou mauvaise humeur, ses grandes connaissances dans le domaine des faïences et porcelaines. Il avait tenu longtemps une mercerie avec un ami, de cet épisode de sa vie il lui
restait le goût des jolis tissus, des boutons anciens et des plumes. Toujours un coup fumant et fumeux à raconter, toujours table ouverte, des amis trop nombreux pour être sincères, les années
passant Robert s’est retrouvé avec pour seule compagnie sa fidèle chienne. Subissant de plein fouet la crise qui faisait fuir les clients Robert a vu les amis
déserter, les moyens diminuer et la maladie prendre ses aises. Un seul lui est resté fidèle, un seul faisait des kilomètres pour lui apporter ses repas, un seul qui le considérait comme un père,
à son contact il a certes appris, mais nous autres avons découvert que sous des dehors un peu rustre se cachait un cœur énorme.
A la mort de Robert il a été chargé de vendre ce qu’il restait du stock d’antiquités et c’est ainsi que j’ai pu acheter ces chiens. Tous les jours en les voyant je pense à Robert, aux bons
moments passés avec lui et toujours j’ai une pensée pour P. qui a su adoucir sa fin en lui promettant de recueillir la chienne fidèle.
La jolie lampe est un cadeau parmi d’autres générosités d’une amie qui aurait pu être presque ma grand-mère, des heurts avec sa propre famille lui faisaient apprécier le calme et la sérénité qui
régnaient aussi bien chez nous que chez Pomponette, elle nous a prêté souvent l’appartement de la Napoule et de Cabourg, elle a offert à Fille Unique une belle collection de foulards He***s, nous
a raconté des choses intéressantes sur sa vie de fille d’hôtelier, une tradition s’est installée, tous les jeudis elle et son mari m’attendaient pour l’apéritif, on se voyait souvent étant
voisins. Une sacrée bonne femme, maîtresse femme pourrait-on dire. En voyage en Egypte à 75 ans bien sonnés, un gin-tonic la remettait debout après avoir joué les touristes sous un soleil de
plomb. La dent dure, le sens de la répartie, une vitalité que bien des jeunes pouvait lui envier, elle aussi nous a quitté mais la lampe est comme un « Ne m’oubliez
pas »